EDITO
À quelques jours de la Journée européenne de la prostate (20 septembre), nous avons souhaité convier le docteur Thierry Piéchaud, chirurgien urologue, qui accompagne l’IRCAD depuis sa création. L’urologie fait partie des premières disciplines chirurgicales à avoir développé la chirurgie mini-invasive, d’abord via la cœlioscopie classique (manuelle), puis via la chirurgie robotique, avec pour objectif d’apporter des bénéfices aux patients : moins de cicatrices mais aussi moins de saignements, de douleurs, et une récupération plus rapide. Thierry Piéchaud a compris très tôt l’intérêt de cette chirurgie et a accompagné l’IRCAD dès les premières années de son développement, créant d’abord un cours de chirurgie mini-invasive entièrement dédié à l’urologie avant de développer de nouvelles formations distinctes pour chaque surspécialité de l’urologie (prostate, rein, traitement des descentes d’organes). Il est aujourd’hui directeur du cours urologique à l’Institut, un cours qui attire chaque année plus de 150 chirurgiens venant du monde entier.
À l’IRCAD, les enseignements, en urologie comme dans toutes les autres disciplines, s’appuient à la fois sur des présentations théoriques et sur des sessions pratiques dans des blocs robotiques de pointe. Avec un total de 1 303 m2 et 29 robots chirurgicaux d’ici fin 2024, l’IRCAD se place comme la plus grande plateforme de robotique au monde. Cela est possible grâce aux relations de proximité et à la confiance entretenues avec des partenaires industriels internationaux tels qu’Intuitive Surgical, Medtronic, CMR Surgical, Momentis Surgical, Endoquest et bientôt Medicaroid. Un atout pour les professeurs comme pour les chirurgiens qui souhaitent améliorer leur geste chirurgical.
Professeur Jacques Marescaux
Président et fondateur de l’IRCAD
L’INTERVIEW DU MOIS
L’urologie, une spécialité à la pointe de la chirurgie mini-invasive, à l’honneur à l’occasion de la Journée européenne de la prostate.
Dr Thierry Piéchaud
Chirurgien urologue & Directeur du cours urologique à l’IRCAD France
Urologue, membre de l’Association française d’urologie, aujourd’hui responsable de recherche clinique au sein du groupe Elsan, le docteur Thierry Piéchaud est directeur du cours urologique à l’IRCAD, qu’il accompagne depuis les débuts de l’institut strasbourgeois. Il revient sur les progrès que la cœlioscopie et la chirurgie robotique ont apporté à sa discipline et notamment à la prise en charge des pathologies de la prostate, et sur le rôle moteur de l’IRCAD dans la diffusion de ces avancées bénéficiant aux patients.
Docteur Piéchaud, à quelques jours de la journée européenne de la prostate, pouvez-vous rappeler quelles sont les principales pathologies ?
Dr Thierry Piéchaud : La prostate fait partie de l’appareil génital de l’homme et elle intervient dans la synthèse du liquide prostatique et l’émission du sperme. Elle est complètement intriquée dans le système urinaire puisqu’elle est traversée par le canal de l’urètre, ce qui permet de comprendre le retentissement potentiel de ses pathologies sur les fonctions sexuelle et urinaire et l’importance de la précision du geste chirurgical. Les pathologies de la prostate sont de différentes natures :
- obstructives avec un retentissement sur la miction pour l’hypertrophie bénigne de la prostate : celle-ci se développe au centre de la glande prostatique ;
- cancéreuses, celles-ci se développant, le plus souvent, sur la partie périphérique de la glande prostatique ;
- infectieuses, avec la prostatite.
Toutes trois sont prises en charge par l’urologue, qui est un spécialiste médico-chirurgical, mais celles que nous évoquerons, dans le cadre de ce propos sur l’IRCAD, sont les pathologies concernées par la chirurgie cœlioscopique ou robotique et l’endoscopie (HBP et cancer).
Vous avez fait partie des premiers chirurgiens à rejoindre l’aventure de l’IRCAD, qu’est-ce qui vous a motivé ?
Dr Th. P. : À la suite de la première intervention cœlioscopique, réalisée, en France, en 1987, par le docteur Philippe Mouret, la chirurgie cœlioscopique a commencé à se développer. Dans les années qui ont suivi, vers 1992, elle a fait son apparition en urologie avec pour première application, le curage ganglionnaire dans le traitement des cancers pelviens. L’idée de pouvoir offrir cette alternative au patient était stimulante : plutôt que de faire une grande incision médiane sur les patients, on pouvait ne faire que de petites ouvertures, en appliquant la technique cœlioscopique jusqu’alors inutilisée en urologie. C’est ainsi qu’à Bordeaux, avec le docteur Richard Gaston, nous avons fait partie des premières équipes d’urologues qui ont commencé à développer la cœlioscopie en urologie.
À la même époque, conscient que la cœlioscopie représentait une voie d’avenir et d’excellence pour la chirurgie, conscient, aussi, qu’il était nécessaire d’y former les chirurgiens, le professeur Jacques Marescaux créait l’IRCAD dédié à l’enseignement théorique et pratique ainsi qu’à la recherche sur les techniques mini-invasives. Et il m’a proposé de venir faire une présentation sur nos travaux, peu après l’ouverture de l’Institut (1994). À partir de 1995, je suis intervenu régulièrement dans les cours, et constatant l’intérêt suscité par les cours chez les urologues, nous avons finalement créé le premier cours entièrement dédié à la chirurgie cœlioscopique urologique. Aujourd’hui, l’IRCAD qui propose des formations dans les différentes sous-disciplines urologiques (dont la prostate) est un centre d’enseignement qui occupe une place importante au niveau international dans le domaine de la chirurgie urologique, notamment de la chirurgie prostatique. L’institut, qui propose une formation complète, à la fois théorique et pratique des différentes voies chirurgicales, qu’elles soient cœlioscopiques, robotiques ou endoscopiques, a beaucoup contribué et continue encore de contribuer au déploiement de ces techniques mini-invasives, notamment dans la chirurgie de la prostate. J’en donne une illustration, qui permet de mesurer le rayonnement international de l’IRCAD : lors de la dernière formation que nous avons donnée, en juin 2023, nous n’avions pas moins de 27 nationalités représentées parmi les chirurgiens. Aujourd’hui, l’IRCAD attire des chirurgiens du monde entier parce que c’est la plus grosse structure d’enseignement à la chirurgie robotique, et plus généralement, à la chirurgie mini-invasive, capable d’allier la théorie et la pratique.
Quelles sont les apports majeurs de l’IRCAD dans la formation à ces techniques chirurgicales ?
La formation structurée et standardisée proposée par l’IRCAD permet au chirurgien d’améliorer son geste, et l’amélioration de la technique du chirurgien apporte nécessairement un bénéfice au patient. C’est particulièrement important dans le cadre de chirurgies comme celles de la prostate, qui peuvent avoir, du fait de la place de cet organe dans l’anatomie, un retentissement sur les fonctions sexuelle et urinaire.
L’IRCAD consacre la plupart de ses formations à la chirurgie de la prostate au cancer, avec la technique de la prostatectomie radicale (ablation totale de la prostate porteuse du cancer), et si nécessaire du curage ganglionnaire, nécessaire pour certaines formes de cancers, par cœlioscopie classique ou par chirurgie robotique. L’institut a même instauré un cours intensif de chirurgie robotique afin de contribuer à l’accélération de cette innovation.
Dans le domaine de l’hypertrophie bénigne de la prostate, l’institut propose des formations à des techniques comme le laser par endoscopie souple, beaucoup moins invasives pour le patient que les chirurgies plus classiques.
D’une manière générale, on peut dire que le développement de ce concept de chirurgie mini-invasive a une répercussion immédiate sur la qualité des soins aux patients : lorsque la chirurgie mini-invasive est bien faite (et elle ne peut pas être bien faite sans formation spécifique), théoriquement, elle épargne ou limite le saignement, ou encore la douleur post-opératoire ; théoriquement, parce qu’il n’y a pas d’ouverture musculaire abdominale, elle permet une reprise plus rapide du transit intestinal et limite le retentissement respiratoire de l’intervention chez le patient âgé, comparativement à la chirurgie ouverte. Elle permet donc de pratiquer une chirurgie mini-traumatique, qui réduit la durée de la récupération post-opératoire.
La chirurgie mini-invasive a apporté des bénéfices au patient dans votre discipline, comment voyez-vous l’avenir de la chirurgie ?
Selon moi, l’avenir de la chirurgie résultera des progrès de l’intelligence artificielle qui accompagne le geste technique. On peut d’ores et déjà parler de la virtualité, c’est-à-dire de la possibilité de reconstituer le patient pour préparer l’intervention, explorer les différentes stratégies, les différents gestes, ou encore de la simulation qui permet de répéter l’intervention sur un clone numérique avant de la pratiquer sur le patient. Ce sont des innovations qui ont été développées par les équipes de recherche et développement de l’IRCAD. Ce qui reste à venir et sur lequel les équipes de l’IRCAD travaillent, c’est l’association de la robotique à l’intelligence artificielle : celle-ci permettra non seulement d’améliorer le geste, grâce à l’analyse d’un grand nombre d’interventions, qui permettra d’éclairer le chirurgien dans ses choix et de le guider dans ses gestes (machines d’apprentissage), mais aussi – dans un avenir plus ou moins lointain – de l’accompagner dans la réalisation du geste (machines opérantes).
A propos de l’IRCAD:
Créé en 1994 par le Professeur Jacques Marescaux, l’IRCAD est un institut dédié à la formation et à la recherche sur la chirurgie mini-invasive. L’Institut strasbourgeois est un centre de renommée internationale, réputé pour l’excellence de ses formations, qu’elles soient présentielles – près de 8 800 chirurgiens du monde entier sont formés chaque année à Strasbourg – ou virtuelles, avec l’université en ligne Websurg, entièrement gratuite, qui compte plus de 470 000 membres connectés dans le monde entier.
Pour plus d’informations, rendez-vous sur https://www.ircad.fr/fr/
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