Edito
En ce mois dédié à la prévention du cancer du col de l’utérus, Juin vert, nous avons choisi de dédier cette nouvelle newsletter de l’IRCAD à la gynécologie, et notamment à la chirurgie oncologique, avec le professeur Denis Querleu, spécialiste de gynécologie oncologique, responsable de cours à l’IRCAD.
La chirurgie gynécologique a joué un rôle déterminant dans le développement de la chirurgie mini-invasive, puisque c’est un gynécologue français, Raoul Palmer, qui a inventé la cœlioscopie dans les années 40. Pionnier de la chirurgie tubaire visant à traiter l’infertilité par une intervention réalisée au niveau des trompes, il avait fait le constat que, faute de parvenir à établir un diagnostic précis en amont des opérations, on faisait parfois subir une laparotomie (ouverture de l’abdomen) à des patientes pour lesquelles, malheureusement, l’état de l’art de l’époque ne pouvait rien. C’est pour éviter ces interventions inutiles que la cœlioscopie diagnostique est née, ouvrant la voie à la cœlioscopie chirurgicale.
La cœlioscopie, qualifiée à l’époque de « deuxième Révolution française » a fait entrer la chirurgie dans l’ère du mini-invasif, posant les jalons de la chirurgie moderne qui n’a, depuis, jamais cessé de progresser. Cette première révolution chirurgicale a été suivie d’une deuxième révolution, celle de la chirurgie robotique qui, aujourd’hui, n’en est qu’à ses débuts. Puis, s’est ouverte la troisième révolution chirurgicale, celle de la chirurgie sans cicatrices, qui utilise l’endoscopie, la chirurgie percutanée par radiofréquence ou cryothérapie, évoquée lors de notre dernière newsletter.
Ces révolutions successives, qui se poursuivent, dopées par les incroyables avancées de l’intelligence artificielle, s’inscrivent dans le mouvement résolu vers une médecine plus respectueuse des patients, plus agile et capable d’intervenir plus tôt pour éviter la maladie, sa progression ainsi que d’éventuelles séquelles. Une médecine qui progresse chaque jour, portée par l’enthousiasme des experts comme les chercheurs et enseignants de l’IRCAD.
Professeur Jacques Marescaux
Président et fondateur de l’IRCAD
Interview du mois
Mieux prévenir, mieux diagnostiquer et mieux soigner les cancers féminins grâce à la recherche, l’éducation et l’information des publics.
Prof Denis Querleu,
Chirurgien gynécologue
Le professeur Denis Querleu est un éminent spécialiste de la chirurgie oncologique gynécologique. Ancien président de la Société européenne de gynécologie oncologique, professeur invité à l’hôpital universitaire Gemelli à Rome, consultant à l’IHU de Strasbourg, il accompagne l’IRCAD depuis 25 ans, en assurant des cours de gynécologie oncologique au sein de l’institut, à Strasbourg, et dans le cadre de l’université en ligne WebSurg. Il participe aussi au projet IRCAD Africa.
Professeur Denis Querleu, qu’est-ce qui vous a donné envie de rejoindre l’IRCAD ?
Professeur Denis Querleu : J’étais allé à l’inauguration de l’Institut, il y a bientôt 30 ans, invité par le professeur Jacques Marescaux. Le projet était enthousiasmant car particulièrement innovant, non seulement parce que la chirurgie mini-invasive était encore peu développée à l’époque, mais aussi parce que l’approche pluridisciplinaire de l’IRCAD, associant notamment médecins, ingénieurs, informaticiens était avant-gardiste. Et c’est tout naturellement que je me suis joint au projet.
La chirurgie gynécologique a été l’une des disciplines pionnière dans le domaine de la chirurgie mini-invasive : qu’est-ce que le recul dont elle dispose nous enseigne ?
Les techniques de chirurgie mini-invasive en oncologie gynécologique sont assez matures aujourd’hui. Des essais randomisés ont ainsi comparé, ces vingt dernières années, la chirurgie mini-invasive à la chirurgie ouverte dans différentes indications.
Dans le cancer de l’endomètre (utérus), il existe de nombreuses preuves convergentes que la chirurgie mini-invasive fait mieux que la chirurgie ouverte, en termes de traitement comme en termes de qualité de vie. L’endoscopie apporte de meilleurs résultats, notamment chez les femmes présentant une obésité morbide.
Dans le cancer de l’ovaire, les apports de la laparoscopie ont été particulièrement déterminants dans l’exploration diagnostique de la maladie, afin d’être en mesure de mieux déterminer le site des lésions et l’opérabilité du cancer. Par ailleurs, l’administration de chimiothérapies en amont des interventions chirurgicales, afin de faire fondre la tumeur, peut permettre, en cas de réponse complète, l’utilisation de la chirurgie mini-invasive.
Enfin, dans le cancer du col de l’utérus, un premier essai a été réalisé, il y a 5 ans, pour comparer chirurgie mini-invasive et chirurgie ouverte : les résultats de cette étude n’ont pas été favorables à la chirurgie mini-invasive. Cependant, d’autres essais sont en cours, intégrant des précautions techniques spécifiques, visant à éviter les risques de contamination par des cellules tumorales durant les interventions chirurgicales. L’évaluation se poursuit.
Quelles sont les évolutions technologiques qui ont apporté des progrès dans le domaine de l’oncologie gynécologique ?
En premier lieu, on peut parler de la chirurgie robotique, même si celle-ci n’en est qu’à ses débuts : d’abord, parce qu’il demeure nécessaire de prouver les bénéfices spécifiques apportés par le robot par rapport à la chirurgie laparoscopique ; ensuite, parce qu’aujourd’hui, le robot ne fait qu’imiter l’humain. A l’avenir, de nouvelles formes de chirurgies robotiques permettront sans doute d’aller bien plus loin et d’inventer d’autres façons d’opérer.
On peut aussi évoquer les techniques qui visent à améliorer l’identification des sites tumoraux grâce à des traceurs visuels, dont le plus connu, aujourd’hui, est le vert d’indocyanine. L’IRCAD a beaucoup contribué aux recherches dans ce domaine, et dispose d’une avance conceptuelle certaine. Ces traceurs qui permettent de visualiser la contamination tumorale sont utilisés notamment pour l’identification du ganglion sentinelle. A l’avenir, le développement de traceurs fluorescents couplés à des molécules plus spécifiques du cancer permettra d’améliorer encore les traitements.
Enfin, alors que débute Juin vert, le mois consacré à la prévention et à la sensibilisation contre le cancer du col de l’utérus, quels sont les messages que vous souhaiteriez faire passer ?
Le cancer du col de l’utérus est l’un des cancers les plus répandus chez la femme, au niveau mondial. La majeure partie des cas surviennent dans des pays à revenu faible ou intermédiaire et la prévention est un enjeu de santé publique majeur. L’Organisation mondiale de la santé (OMS) s’est engagée dans une stratégie visant à éliminer le cancer du col de l’utérus, qui repose sur trois objectifs fixés pour l’horizon 2030 :
- la vaccination de 90 % des jeunes filles ;
- le dépistage de 70 % des femmes ;
- la prise en charge de 90 % des lésions précancéreuses ou des cancers avancés décelés.
Nos chirurgies interviennent au niveau du troisième point : afin de viser cet objectif, nous devons mener des actions très concrètes en termes de formation des professionnels de santé, partout dans le monde. L’IRCAD Africa a son rôle à jouer : le nouvel institut contribuera ainsi à la formation des chirurgiens africains à la chirurgie du cancer du col de l’utérus. Ce faisant, il est probable que les échanges seront aussi très inspirants pour les chirurgiens formateurs, venus de pays où les cancers avancés sont bien moins fréquents, et qui auront, eux aussi, beaucoup à apprendre de leurs collègues africains.
Les deux premiers objectifs fixés par l’OMS soulignent, quant à eux, l’importance de la sensibilisation du public partout dans le monde, y compris en France, où seulement 41,5 % des jeunes filles sont vaccinées, quand 90 % d’entre elles le sont en Australie.
Cela passe par des journées d’actions pour rendre visible cette thématique, comme celle à laquelle l’IRCAD a récemment participé, à la demande de l’OMS, éclairant ses bâtiments aux couleurs de la prévention du cancer du col de l’utérus. Cela passe aussi par des rendez-vous d’information comme cette newsletter.
A propos de l’IRCAD :
Créé en 1994 par le Professeur Jacques Marescaux, l’IRCAD est un institut dédié à la formation et à la recherche sur la chirurgie mini-invasive. L’Institut strasbourgeois est un centre de renommée internationale, réputé pour l’excellence de ses formations qu’elles soient présentielles – près de 8 800 chirurgiens du monde entier sont formés, chaque année à Strasbourg – ou virtuelles, avec l’université en ligne Websurg, entièrement gratuite, qui compte plus de 470 000 membres connectés dans le monde entier.
Pour plus d’informations, rendez-vous sur https://www.ircad.fr/fr/
Nous espérons que ce 6ème numéro de la newsletter de l’IRCAD vous a plu.
Pour toute demande d’information, d’inscription ou de désinscription :
FINN Partners – sante@finnpartners.com