Édito
L’année qui s’ouvre revêt une signification particulière, avec la célébration de notre 30e anniversaire. Depuis son ouverture, en 1994, à Strasbourg, l’IRCAD a étendu son influence à travers le monde, établissant des instituts miroirs en Asie (à Taiwan, au Liban, en Inde, et bientôt en Chine), en Amérique du Sud (deux au Brésil), et aux Etats-Unis, où l’IRCAD North America inaugurera ses portes à Charlotte, a en 2025. Trois décennies de rayonnement mondial et d’engagement inébranlable pour faire progresser la chirurgie à travers la formation, la recherche et l’innovation.
Cette expansion s’appuie sur des partenariats avec des industriels et des sociétés savantes. Parmi nos partenaires majeurs, la Société européenne de chirurgie endoscopique pédiatrique (ESPES), un acteur éminent dans son domaine, organise régulièrement des formations à l’IRCAD, qu’elle a choisies pour accueillir son congrès annuel, du 18 au 20 septembre 2024.
Le Professeur Arnaud Bonnard, l’un de nos directeurs de cours de chirurgie laparoscopique et robotique pédiatrique, coprésidera le congrès. Chirurgien pédiatre à l’hôpital Robert-Debré à Paris, coordonnateur de chirurgie infantile à l’AP-HP (Assistance Publique Hôpitaux de Paris), dans l’interview du mois, il partage les progrès actuels et anticipés, ainsi que les orientations de l’IRCAD pour promouvoir l’évolution de la chirurgie mini-invasive pédiatrique.
Professeur Jacques Marescaux
Président et Foundateur de l’IRCAD
Interview du mois
Aujourd’hui, dans les centres experts, en fonction des spécialités, 60 à 80 % des interventions chirurgicales pédiatriques sont réalisées de manière mini-invasive.
Professeur Arnaud Bonnard
Directeur d’un cours de chirurgie pédiatrique laparoscopique à l’IRCAD.
Le professeur Arnaud Bonnard accompagne depuis 2013 l’IRCAD, où il assure la direction de l’un des cours de chirurgie pédiatrique laparoscopique depuis 2023. Spécialiste de la chirurgie mini-invasive pédiatrique, ses domaines d’expertise comprennent la chirurgie thoracique et digestive, la transplantation rénale et la chirurgie du prématuré.
On le dit souvent, l’enfant n’est pas un petit adulte : quelles sont les spécificités de la chirurgie pédiatrique ?
Prof. A. B. : La chirurgie pédiatrique se distingue de la chirurgie adulte, d’abord parce que l’enfant, en particulier le tout petit, voire le prématuré, ne souffre pas des mêmes pathologies que l’adulte. Chez l’enfant, notamment à son plus jeune âge les interventions chirurgicales concernent, le plus souvent, des pathologies malformatives que l’on ne retrouve pas chez l’adulte. La chirurgie est totalement différente de celle de l’adulte.
Et puis, physiologiquement, le corps de l’enfant réagit de manière totalement différente par rapport à l’adulte après une chirurgie : il récupère plus vite, tant au niveau de la douleur que de la mobilisation. On traite la douleur – l’analgésie post-opératoire a fait beaucoup de progrès – mais on remarque que le corps de l’enfant réagit mieux que celui de l’adulte à la chirurgie, même à la chirurgie lourde. Cela nous permet de réduire de plus en plus les durées d’hospitalisation.
La chirurgie mini-invasive s’est-elle développée aussi vite chez l’enfant que chez l’adulte ?
Prof. A. B. : Les chirurgiens pédiatriques se sont très vite emparés des techniques de chirurgie mini-invasive. Les premières chirurgies coelioscopiques chez l’enfant ont été réalisées au début des années 90, peu de temps après la première cholécystectomie réalisée à Lyon par le Docteur Philippe Mouret, père de la cœlioscopie.
Le Docteur Valla à Nice, le Professeur François Becmeur à Strasbourg, ou encore, mon mentor, le Professeur de Lagausie, à Marseille ont posé les premières pierres de cette discipline.
A partir des années 2000, on a assisté à une explosion des indications de la chirurgie laparoscopique chez l’enfant. Elle est liée, d’une part, à l’audace des chirurgiens pédiatres, convaincus des bénéfices de l’approche, et d’autre part, à l’évolution des instruments, qui sont passés d’un diamètre de 10mm à un diamètre de 5 puis 3 mm, parfois jusqu’à 2mm aujourd’hui, ce qui permet d’épargner les muscles et la paroi abdominale ou thoracique. Les cicatrices que l’on fait avec des instruments de 2 ou 3 mm disparaissent au fil du temps, et au bout de 4 ou 5 ans, on ne les voit pratiquement plus.
La chirurgie pédiatrique laparoscopique a donc plus de 30 ans, mais elle continue de progresser dans ses indications. Aujourd’hui, dans les centres experts, en fonction des spécialités, 60 à 80 % des interventions chirurgicales pédiatriques sont réalisées de manière mini-invasive. Nous sommes quelques centres à avoir développé la chirurgie mini-invasive pour les prématurés, y compris de petit poids (600 à 700 g). Pour ces patients, au-delà de l’épargne des tissus, il semblerait que l’insufflation de CO2 dans la cavité abdominale ou thoracique nécessaire à l’intervention endoscopique, contribue à lutter contre l’inflammation ; elle pourrait protéger le cerveau. C’est en tout cas ce que montrent nos premières recherches. La cœlioscopie ou la thoracoscopie n’est donc probablement pas seulement une voie d’abord mais pourrait aussi être un traitement à part entière.
Selon vous, quelles sont les technologies qui amèneront le plus de progrès dans les prochaines années, en chirurgie pédiatrique mini-invasive ?
Prof. A. B. : Les apports de la chirurgie robotique sont une source de progrès évidente, même si nous sommes dans une phase de transition. Les indications de la chirurgie robotique s’élargissent peu à peu mais demeurent encore limitées par la taille des instruments (8mm). Le robot apporte très certainement des bénéfices dans la chirurgie urologique, notamment dans le cadre du traitement des malformations du rein, dans la chirurgie digestive, en particulier chez les enfants porteurs de maladies inflammatoires du côlon, ainsi qu’en cancérologie, où il permet une dissection fine de la tumeur et des vaisseaux sanguins, grâce à la précision de la visualisation en 3D. Les années à venir devront nous apporter la preuve de ce que nous constatons au quotidien. Cette année, à l’IRCAD, nous avons créé, le premier cours de chirurgie robotique entièrement dédié à l’enfant : nous avons reçu beaucoup de demandes d’inscription venues de toute l’Europe, ce qui témoigne de l’intérêt grandissant pour le robot en pédiatrie.
L’arrivée de nouvelles énergies portées par de tout petits instruments, de 3 mm de diamètre, constitue, elle aussi, une source de progrès : elle nous permet de coaguler des vaisseaux sanguins, jusqu’à 4 mm de diamètre, ce que l’on n’aurait pas imaginé il y a 10 ou 15 ans.
Enfin l’imagerie est une source d’apports considérables. L’IRCAD travaille depuis plus de 20 ans sur l’amélioration de l’imagerie grâce à l’intelligence artificielle. Ces voies de recherche et ces innovations sont très intéressantes, tant pour la chirurgie des adultes que pour celle des enfants.
La technologique Visible Patient, issue des recherches de l’IRCAD et désormais utilisée en routine, permet de reconstituer le patient à partir d’images de scanner ou d’IRM : elle permet d’affiner le choix de la chirurgie, dans le traitement des tumeurs comme dans celui des malformations. L’objectif est d’être aussi efficace, voire plus efficace, en épargnant les tissus sains. D’autres technologies offrent la possibilité de superposer l’imagerie du patient à l’image du patient pendant l’intervention, ce qui permet au chirurgien de voir en transparence les tissus et les structures organiques. Toutes les techniques qui visent à augmenter l’œil du chirurgien sont très utiles, particulièrement quand on parle de chirurgie pédiatrique : plus le corps est petit, plus l’amélioration de la vision et l’interprétation de ce que l’on voit sont essentielles.
Vous accompagnez l’IRCAD depuis 2013, quels sont, selon vous, les atouts majeurs de l’institut ?
Prof. A. B. : L’IRCAD offre une ouverture d’esprit considérable, une ouverture sur la chirurgie internationale et la possibilité de rencontrer des chirurgiens du monde entier, de les voir opérer et, ce faisant, de progresser. On apprend des experts que l’on fait intervenir dans les différentes formations, des échanges avec les chirurgiens en formation. L’IRCAD est un catalyseur de progrès hors pair.
La chirurgie pédiatrique à l’IRCAD en chiffres
Depuis 2014, année de la création des cours de chirurgie laparoscopique pédiatrique à l’IRCAD :
– 15 sessions de formations spécifiques ont été organisées
– 487 chirurgiens ont été formés à la chirurgie pédiatrique Strasbourg
En ligne, l’université numérique gratuite WebSurg compte 12 277 membres.
Depuis sa création en 2000, elle a publié 411 vidéos et 64 contributions en chirurgie pédiatrique.
A propos de l’IRCAD
Créé en 1994 par le Professeur Jacques Marescaux, l’IRCAD est un institut dédié à la formation et à la recherche sur la chirurgie mini-invasive. L’Institut strasbourgeois est un centre de renommée internationale, réputé pour l’excellence de ses formations qu’elles soient présentielles – près de 8 800 chirurgiens du monde entier sont formés, chaque année à Strasbourg – ou virtuelles, avec l’université en ligne Websurg, entièrement gratuite, qui compte plus de 470 000 membres connectés dans le monde entier.
Pour plus d’informations, rendez-vous sur https://www.ircad.fr/fr/
Pour suivre le podcast de l’IRCAD, Beyond IRCAD
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