Cancers colorectaux : le rôle essentiel du dépistage et de la chirurgie mini-invasive 

Edito

Depuis le début des années 2000, le mois de mars s’accompagne de campagnes de sensibilisation qui offrent au public les plus récentes informations sur de forts enjeux de santé. En communiquant sur les progrès diagnostiques et thérapeutiques, ces campagnes jouent un rôle essentiel en termes d’incitation au dépistage, qui est l’étape fondamentale de la prise en charge des patients. Elles favorisent aussi la prévention en prodiguant des conseils généralement simples à mettre en œuvre. Cette année, la «Journée mondiale de l’obésité» souligne ainsi le rôle néfaste des aliments ultra-transformés dans l’épidémie d’obésité constatée dans le monde entier ; la «Semaine européenne de l’endométriose» met l’accent sur la toute récente mise à disposition d’un test salivaire qui facilite le dépistage de cette maladie de présentation polymorphe et la campagne «Mars Bleu» alerte sur l’insuffisante participation au programme de dépistage du cancer colorectal, organisé pour les personnes de plus de 50 ans.

L’IRCAD s’associe pleinement à ces initiatives, ces enjeux de santé faisant partie intégrante des activités que l’Institut mène depuis plus de 30 ans. Centré à sa création sur les cancers de la sphère digestive, l’Institut s’attache en effet à développer son champ d’action dans de nombreuses spécialités médicales, liées ou non à l’oncologie, qui bénéficient à leur tour des progrès de la chirurgie mini-invasive, notamment la haute précision de la chirurgie robotique, l’évolution des techniques d’endoscopie ou l’apport de la réalité augmentée en termes d’imagerie. L’Institut intervient aujourd’hui dans des domaines aussi variés que le traitement des cancers gynécologiques ou de l’endométriose, la prise en charge de l’obésité par la chirurgie bariatrique ou encore le recours à la chirurgie colorectale dans des affections inflammatoires non cancéreuses telles que la Maladie de Crohn.

Dans le cadre de Mars Bleu, nous donnons la parole au Professeur Morales-Conde, qui est au plan mondial l’un des experts les plus réputés en termes de chirurgie digestive, et notamment en chirurgie colorectale. Il fait également partie de la Faculté Internationale d’experts de l’IRCAD et, depuis 20 ans, a participé à plus d’une cinquantaine de cours à l’Institut de Strasbourg. Il livre ses perspectives sur la prise en charge des cancers colorectaux et sur les évolutions attendues dans ce domaine.

 

Professeur Jacques Marescaux
Président et fondateur de l’IRCAD

 


L’interview du mois

Cancers colorectaux : le rôle essentiel du dépistage et de la chirurgie mini-invasive 

Professeur Salvador MORALES-CONDE
Chef du Service de Chirurgie, Hôpital Universitaire Virgen Macarena (Séville, Espagne) & Expert IRCAD en chirurgie digestive, herniaire et colorectale

 

 

Depuis plus de 20 ans, la campagne « Mars bleu » sensibilise le grand public au dépistage du cancer colorectal (CCR) chez les plus de 50 ans. Quelle est l’importance du dépistage précoce du CCR ? Quels sont les pronostics et les traitements disponibles aux différents stades du cancer colorectal ?

Prof. Salvador Morales-Conde: En tant que chirurgien digestif, je peux confirmer la forte prévalence du CCR, qui est le troisième cancer le plus fréquent dans le monde et représente environ 10 % de tous les cas de cancer. Son dépistage est capital car il n’existe pas de vraie prévention, à part quelques précautions alimentaires qui ont un impact très limité. En Europe, des programmes de dépistage sont mis en place, pour rechercher du sang dans les selles et donner accès à une coloscopie en cas de détection. La très faible adhésion de la population à ces programmes constitue un réel problème car le dépistage permet de détecter non seulement des tumeurs mais aussi des polypes. Ces polypes peuvent être facilement retirés au cours de la coloscopie, sans nécessiter aucun autre traitement, alors que non retirés, ils peuvent avec le temps évoluer en cancer. En cas de diagnostic fait un peu plus tard, la coloscopie peut montrer un cancer mais en général à stade précoce, avec donc une forte probabilité d’intervention chirurgicale à faible taux de complication car un petit cancer est beaucoup plus facile à opérer qu’un gros. La survie est très élevée dans les stades précoces, avec 90 % de guérison complète. Au stade métastatique, les traitements efficaces sont limités et le pronostic généralement mauvais. Il est donc primordial d’augmenter l’adhésion de la population et l’organisation actuelle du dépistage est peut-être trop complexe : prise d’échantillon de selles, renvoi par courrier ou remise à un médecin, attente des résultats, recours à la coloscopie… La manipulation des selles peut aussi être mal perçue et décourager la participation. Le processus devrait se simplifier car des tests de l’haleine et des tests sanguins, basés sur des marqueurs indiquant la présence de polypes ou de cancers, sont en cours de développement. Si un simple test permet de savoir, avec un faible pourcentage de faux positifs, qu’une coloscopie est nécessaire pour enlever un polype, cela devrait augmenter la participation. En attendant, il est fondamental de continuer à encourager la population à participer au processus actuel de dépistage.

 

La plupart des CCR surviennent après 50 ans, avec un risque qui augmente avec l’âge, mais une publication récente montre une augmentation des cas chez les patients plus jeunes. Par exemple, par rapport aux personnes nées entre 1950 et 1954, celles nées entre 1990 et 1994 sont trois fois plus susceptibles d’être atteintes de CCR. Cela peut-il avoir un impact sur les recommandations de dépistage et éventuellement sur le traitement de cette population jeune et active ?

Prof. MC: Il très important de savoir que le risque n’est pas le même pour tout le monde. La campagne de dépistage s’adresse aujourd’hui aux plus de 50 ans mais nous savons que certaines personnes présentent un risque de développer un CCR à un âge plus jeune, en particulier celles qui ont des antécédents familiaux. Cette prédisposition génétique est le facteur le plus fréquent de survenue précoce du CCR. Certains facteurs externes peuvent influencer une précocité d’apparition, comme l’alimentation ou la pollution, mais c’est surtout lorsqu’il existe déjà une prédisposition au CCR. Il faut donc s’attacher à identifier les patients âgés de 30 à 50 ans qui sont risque. En testant les patients de plus de 50 ans et les patients plus jeunes à risque, nous devrions contrôler la plupart des cas. À l’avenir, je suis certain que l’intelligence artificielle aidera à identifier cette population plus jeune nécessitant un suivi particulier, par sa capacité à accéder à toutes les données disponibles et à fournir une analyse complète du risque.

Quel que soit l’âge de survenue du CRC, le meilleur traitement reste la chirurgie et cela ne changera pas. Après l’opération, une chimiothérapie peut être ou non prescrite, selon le stade de la tumeur, mais la chirurgie est le facteur le plus important de succès. Il est donc essentiel d’assurer une formation efficace de la nouvelle génération pour qu’elle soit réalisée le plus correctement possible. C’est là que l’IRCAD joue un rôle crucial en formant des chirurgiens du monde entier. Lorsque la chirurgie colorectale est bien réalisée, le taux de récidive du cancer diminue et la survie augmente.

 

Vous connaissez bien l’IRCAD puisque vous collaborez avec l’Institut depuis 2005. En tant que spécialiste mondial de la chirurgie digestive, et plus particulièrement de la chirurgie mini-invasive, quel est votre point de vue sur l’évolution et le rôle actuel de l’IRCAD ? 

Mon histoire avec l’IRCAD commence bien avant 2005 ! En 1998, j’étais un interne et je suis allé à Strasbourg suivre un cours de chirurgie générale d’une semaine. C’était il y a plus de 25 ans mais je me souviens comme si c’était hier d’avoir été stupéfait par tout ce que je découvrais. J’étais impressionné par les installations et par toutes les nouvelles tendances présentées en matière de chirurgie. J’ai vu pratiquer des opérations et j’ai trouvé très excitant de pouvoir apprendre des experts. Aussi, lorsque le professeur Marescaux m’a demandé en 2005 d’enseigner à l’IRCAD, j’ai été plus qu’heureux de partager à mon tour avec les étudiants mes connaissances et mon expérience. Lorsque je donne un cours, je dis toujours aux participants : « J’étais assis ici comme vous, alors vous pouvez être un jour à ma place et donner cette conférence » et c’est vraiment passionnant.

Après 20 ans, je suis toujours aussi stupéfait. Vous ne pouvez pas imaginer l’évolution des installations depuis la création de l’IRCAD, lorsqu’il n’y avait qu’un seul bâtiment avec un seul auditorium. Aujourd’hui, nous avons plusieurs bâtiments, des auditoriums et des salles d’opération comme dans un véritable hôpital, avec les équipements les plus récents. Je suis émerveillé par cette évolution, mais surtout par ce que cette évolution signifie car les installations ne peuvent se développer que si les gens veulent y venir. Je suis impressionné par toutes les connaissances partagées à l’IRCAD, qui expliquent pourquoi les gens veulent venir apprendre ici. Pour la qualité des cours assurés sur place mais aussi pour WebSurg, l’université en ligne de l’IRCAD. Tellement de gens viennent me dire lors de congrès qu’ils ont vu mes conférences sur l’hémicolectomie droite et me remercier parce qu’ils peuvent regarder mon intervention avant de faire la leur et donc revoir toutes les étapes avant d’aller au bloc opératoire. Cet accès aux vidéos et conférences après la formation sur place crée un parcours d’apprentissage continu très important. Je suis également impressionné par l’impact qu’exerce l’IRCAD sur le plan international, avec l’ouverture des instituts miroirs sur les différents continents. Je suis allé à l’IRCAD Africa à Kigali en juillet dernier pour participer aux cours sur la paroi abdominale et sur la chirurgie colorectale, et c’était formidable de voir cette nouvelle génération de chirurgiens africains si désireux d’apprendre, venant de pays où il n’existe pas d’installations telles que l’IRCAD Africa. Cette expansion mondiale ajoute encore plus de valeur au projet IRCAD car il est précieux pour les chirurgiens du monde entier, et donc pour leurs patients, d’être correctement formés. Je me sens vraiment chanceux d’avoir l’opportunité de participer à tout cela.

 

 

Les progrès technologiques ont un impact considérable sur les pratiques chirurgicales. En termes de chirurgie colorectale, qui traite les cancers ainsi que des affections non malignes complexes telles que l’endométriose ou la rectocolite hémorragique, quels sont les progrès qui ont le plus amélioré la prise en charge des patients et quelles sont les innovations que vous prévoyez dans ce domaine ? 

Le progrès le plus important de ces dernières années est pour moi le développement de la chirurgie mini-invasive (laparoscopie). En 2005, en Espagne, moins de 20 % des procédures colorectales étaient réalisées par laparoscopie, contre plus de 80 % aujourd’hui. L’approche laparoscopique signifie plus de confort pour le patient, moins de douleur, moins de hernie sur cicatrice et une meilleure récupération. Cependant, elle peut être encore améliorée en tirant parti des innovations telles que l’intelligence artificielle, la reconstruction en 3D et la robotique. Par exemple, nous avons réalisé le mois dernier dans mon service ce que je crois être la chirurgie colorectale la plus innovante au monde, en utilisant l’intelligence artificielle pour nous enseigner et nous montrer l’anatomie dans un cas de cancer du côlon. Nous avons créé un hologramme préopératoire avec une reconstruction en 3D et nous avons utilisé l’angiographie au vert d’indocyanine (ICG) pour identifier l’apport vasculaire au côlon avant de réaliser l’anastomose. C’est une procédure vraiment impressionnante mais dont la base reste la chirurgie mini-invasive, ce qui souligne le rôle essentiel de la formation des chirurgiens. J’avais d’ailleurs pu travailler avec l’IRCAD pour évaluer l’intérêt de l’ICG dans la réduction des fuites anastomotiques et des complications car l’Institut s’implique aussi fortement dans la recherche et le développement, en plus de ses activités d’enseignement.

En termes d’avenir, je suis convaincu que l’intelligence artificielle va révolutionner la façon de pratiquer la chirurgie. Comme je l’ai dit, il est extrêmement utile pour les chirurgiens de venir à l’IRCAD et de regarder opérer des experts comme le professeur Corcione, le professeur Forgione ou moi-même, puis d’avoir ensuite accès aux vidéos via WebSurg. Mais dans la salle d’opération, les chirurgiens restent seuls, ils ne peuvent pas nous appeler en cas de problème inattendu. Je pense donc que des outils basés sur l’intelligence artificielle peuvent jouer un rôle important en aidant et guidant les chirurgiens pendant l’intervention, pour la réaliser de la meilleure façon possible. Avec mon équipe, à Séville, nous travaillons au développement de ce type d’assistance intra-opératoire. Nous travaillons également sur des systèmes basés sur l’intelligence artificielle pour assurer une identification précise de l’anatomie pendant l’opération, en affichant sur notre écran les images du scanner du patient, permettant une reconstruction en 3D et l’identification des structures anatomiques.

Comme vous le voyez, la chirurgie mini-invasive est la pierre angulaire de la chirurgie colorectale et doit s’inscrire dans un continuum comprenant une formation dispensée dans des centres comme l’IRCAD, une mise à jour régulière grâce à des solutions en ligne comme WebSurg et une aide pendant l’intervention en cas de besoin. Ce continuum de formation est d’une importance capitale pour les patients afin de garantir la meilleure qualité de chirurgie possible.

 

 

 

A propos de l’IRCAD :

Créé en 1994 par le Professeur Jacques Marescaux, l’IRCAD est un institut dédié à la formation et à la recherche sur la chirurgie mini-invasive.  L’Institut strasbourgeois est un centre de renommée internationale, réputé pour l’excellence de ses formations qu’elles soient présentielles – près de 8 800 chirurgiens du monde entier sont formés, chaque année à Strasbourg – ou virtuelles, avec l’université en ligne Websurg, entièrement gratuite, qui compte plus de 470 000 membres connectés dans le monde entier.

 

Pour plus d’informations, rendez-vous sur https://www.ircad.fr/fr/

 

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