La révolution de la chirurgie sans cicatrice
Une première française, réalisée il y a 16 ans, qui a ouvert
la voie à des progrès techniques, chirurgicaux et thérapeutiques
Professeur Jacques Marescaux
Président et fondateur de l’IRCAD
En avril 2007, il y a 16 ans, les équipes de l’IRCAD réalisaient la première chirurgie sans cicatrice pour retirer la vésicule biliaire d’une patiente en passant par le vagin. Cette intervention mondialement connue sous le nom d’ « Opération Anubis » a ouvert la voie à une chirurgie moins invasive, à l’origine de moins de douleurs et probablement de moins de complications, qui favorise la réalisation d’actes en ambulatoire. Retour sur cette première mondiale avec le professeur Jacques Marescaux, Président et Fondateur de l’IRCAD.
Professeur Jacques Marescaux, comment est née l’idée de cette première l’opération Anubis ?
L’opération Anubis est la première chirurgie réalisée sans aucune cicatrice externe. Nous avons réalisé une cholecystectomie, c’est-à-dire une ablation de la vésicule biliaire sans incision, en passant par le vagin. L’idée nous est venue, des travaux du gastro-entérologue américain Anthony Kalloo qui, en 2004, a présenté en congrès et publié dans la revue Gastrointestinal Endoscopy, montrant la faisabilité de la voie transgastrique pour réaliser des explorations ou des interventions chirurgicales de l’abdomen. L’idée était audacieuse, surtout de la part d’un gastro-entérologue, car il s’agissait de léser un estomac sain pour parvenir à réaliser un acte de soin, mais elle était intéressante à explorer afin de voir si elle pouvait apporter un bénéfice au patient (absence de cicatrice, récupération plus rapide, etc.). C’est ainsi qu’à partir de 2005, l’IRCAD s’est engagé dans un programme de recherche intensif sur la chirurgie endoscopique transluminale par les orifices naturels. Ce projet, intitulé Anubis, a été créé pour développer des études de faisabilité et de survie, ainsi que de nouvelles technologies endoscopiques. Entre 2004 et 2007, plus de 500 procédures NOTES (Natural Orifice Transluminal Endoscopic Surgery) ont été réalisées sur des modèles expérimentaux, incluant des cholécystectomies, des pancréatectomies distales, des splénectomies, des surrénalectomies ou encore des résections intestinales. Ce travail a été réalisé en collaboration avec nos partenaires industriels, parce qu’il fallait inventer des outils adaptés afin de procéder à ces interventions : la chirurgie nécessite de pouvoir reproduire la triangulation des gestes de la main du chirurgien. Or, à l’époque, ces outils manquaient. Le programme Anubis a considérablement contribué à accélérer l’innovation en instrumentation chirurgicale. La première cholécystectomie par voie transvaginale, réalisée le 2 avril 2007, est un jalon majeur du programme Anubis et plus généralement du développement de la chirurgie par les orifices naturels.
Quels ont été les bénéfices de cette intervention sans cicatrice pour la patiente ?
D’abord, la patiente a été ravie. Elle n’a ressenti aucune douleur de sorte qu’elle était prête à sortir le lendemain mais nous avions préféré la garder, par sécurité, 48 heures. Elle était surtout ravie de ne pas avoir de cicatrice et de séquelles esthétiques. Esthétiquement, mais aussi psychologiquement, il est important pour le malade de ne garder aucune trace de son intervention.
Quel a été l’impact de cette première sur les pratiques chirurgicales ?
Le programme Anubis a permis de faire progresser la chirurgie mini-invasive, grâce à l’arrivée de nouveaux outils. Elle a indéniablement joué un rôle d’accélérateur dans la mise au point d’instruments permettant d’intervenir par endoscopie. L’abord à travers les organes (notamment le vagin ou l’estomac), quant à lui, ne s’est pas généralisé parce que les bénéfices n’étaient pas suffisants par rapport à la chirurgie laparoscopique (chirurgie à travers l’abdomen, par des petits trous) au regard de la complexité de l’approche. Mais les recherches entreprises nous ont conduit à développer des systèmes permettant la cicatrisation des ouvertures réalisées dans l’organe.
Il est désormais possible, voire courant, de retirer de petites tumeurs au niveau du tractus digestif, c’est-à-dire du rectum, du côlon, de l’œsophage ou encore de l’estomac, en passant par les orifices naturels. Pour les patients, cela change tout : non seulement ces interventions moins invasives permettent de diminuer les douleurs et d’accélérer la récupération mais elles offrent aussi la possibilité d’éviter la cicatrice, qui est comme la mémoire de la maladie. Le patient, une fois guéri, peut ainsi plus aisément tourner la page. Enfin, pour les patients présentant une obésité morbide, l’approche développée depuis quelques années aboutissant à un rétrécissement interne de l’estomac semble prometteuse.
Existe-t-il d’autres approches mini-invasives lorsqu’il n’est pas possible d’intervenir par les voies naturelles ?
L’autre axe en plein essor dans le domaine de la chirurgie mini-invasive est la chirurgie percutanée. Celle-ci permet notamment de détruire avec une aiguille des tumeurs de moins de 1 cm dans le rein ou dans le foie grâce au froid (cryothérapie) ou à la chaleur (radiofréquences). Dans le cadre du projet Disrumpere, les équipes de l’IRCAD France et de l’IRCAD Africa développent des technologies facilitant le ciblage et la destruction des tumeurs. Notre objectif est de rendre ce geste mini-invasif accessible à des opérateurs non experts pour mieux répondre aux besoins des patients, partout dans le monde, et d’accélérer le développement de traitements qui deviendront probablement, à plus ou moins long terme, le gold standard. Mais pour ce faire, il faut que nous soyons en mesure d’identifier précocement les tumeurs. L’avenir de la chirurgie mini-invasive, qu’elle soit percutanée ou réalisée par les voies naturelles, est donc indissociablement lié aux avancées en matière de diagnostic. L’IRCAD a développé plusieurs systèmes d’intelligence artificielle permettant un diagnostic ou un dépistage automatique de ces tumeurs de petites tailles. De la même manière, plusieurs industriels ont développé des systèmes d’intelligence artificielle permettant, lors d’une coloscopie, de détecter des tumeurs quasi-invisibles pour l’œil humain.
Les équipes de recherche de l’IRCAD réunissent des médecins, des ingénieurs, des mathématiciens mobilisés avec enthousiasme pour faire avancer ces technologies qui apportent des bénéfices tangibles au patient, et permettront probablement, à terme, de générer des économies pour la collectivité.
A propos de l’IRCAD :
Créé en 1994 par le Professeur Jacques Marescaux, l’IRCAD est un institut dédié à la formation et à la recherche sur la chirurgie mini-invasive. L’Institut strasbourgeois est un centre de renommée internationale, réputé pour l’excellence de ses formations qu’elles soient présentielles – près de 8 800 chirurgiens du monde entier sont formés, chaque année à Strasbourg – ou virtuelles, avec l’université en ligne Websurg, entièrement gratuite, qui compte plus de 470 000 membres connectés dans le monde entier.
Contact pour la presse :
FINN Partners – sante@finnpartners.com