Juillet 2024 – Chirurgie colorectale

Edito

Le mois dernier, l’IRCAD était à Maastricht, aux Pays-Bas, pour le congrès de l’Association Européenne pour la Chirurgie Endoscopique (EAES – European Association for Endosopic Surgery).

La chirurgie endoscopique consiste à réaliser des interventions par les voies naturelles à l’aide d’un endoscope flexible. Elle a d’abord été pratiquée en gynécologie, une discipline qui s’y prête bien, avant de connaître un essor en gastro-entérologie, suscitant un intérêt croissant dans cette discipline. À partir des années 2000, les recherches autour du concept de NOTES (Natural Orifice Translumenal Endoscopic Surgery) se sont multipliées, boostées en 2004, lorsqu’une équipe est parvenue à réaliser l’examen de la cavité abdominale sur un modèle porcin, en introduisant la petite caméra non pas à travers une incision réalisée dans la peau, mais à travers l’estomac (péritonéoscopie transgastrique), sans cicatrice extérieure. C’est à cette époque que l’IRCAD, enthousiasmé par le concept, a lancé le programme NOTES qui a notamment abouti à « Opération Anubis », la première cholécystectomie sans cicatrices (ablation de la vésicule biliaire), réalisée par voie vaginale. Au-delà de ce jalon marquant, les recherches menées à l’IRCAD ont aussi contribué à développer des voies d’approche mini-invasives pour traiter des pathologies du tractus gastro-intestinal supérieur comme l’achalasie de l’œsophage (un trouble de la motricité de l’œsophage) ou du tractus gastro-intestinal inférieur comme le cancer colorectal. Et les pratiques avançant, les industriels ont été conduits à développer des instruments adaptés à cette approche, ce qui a favorisé de nouvelles avancées dans ce type de chirurgie.

Past-Présidente de la SAGES (Society of American Gastrointestinal and Endoscopic Surgeons), le Professeur Patricia Sylla a participé activement à ces recherches au sein de l’IRCAD. Elle figure aujourd’hui parmi les meilleurs spécialistes de la chirurgie endoscopique colorectale ; son expertise est reconnue dans le monde entier et elle participe régulièrement, en tant qu’experte, aux formations que nous organisons dans les différents IRCAD. Elle explique les bénéfices de la chirurgie endoscopique pour les malades.

 

Professeur Jacques Marescaux
Président et Fondateur de l’IRCAD

 


L’interview du mois

Les progrès réalisés dans la chirurgie colorectale, en France et à travers le monde.


Pr. Patricia Sylla
Chirurgienne colorectale et cheffe du service de chirurgie du côlon et du rectum du Mount Sinai Health System à New York

 

Past-Présidente de la Société Américaine des Chirurgiens Gastro-intestinaux et Endoscopiques (SAGES), Professeur de chirurgie, Patricia Sylla dirige le pôle Chirurgie du côlon et du rectum des hôpitaux du Mount Sinai Health System, aux États-Unis. Spécialiste de la chirurgie mini-invasive, notamment de la chirurgie colorectale et de la chirurgie bariatrique, elle jouit d’une renommée internationale pour son expertise dans le traitement endoscopique transanal du cancer du rectum.

 

 

Professeur Patricia Sylla, votre rencontre avec l’IRCAD est intimement liée au développement du programme NOTES, pouvez-vous revenir sur cette rencontre ?

Professor Patricia Sylla: À la fin de mon internat, j’ai reçu un prix de la SAGES qui m’a permis de suivre un cours à l’IRCAD. À l’époque, je menais des travaux expérimentaux sur l’accès transanal dans la chirurgie du rectum et j’étais très intéressée par le programme NOTES développé par l’IRCAD, qui avait donné lieu à la première cholécystectomie sans cicatrice en 2007. L’équipe du Professeur Jacques Marescaux était leader dans le domaine, avec une vraie vision de la place et des bénéfices de ce type de chirurgie.  Et, au sein de l’équipe, Joel Leroy et Silvana Perretta qui travaillaient beaucoup sur la voie transvaginale et la voie transgastrique, mais moins sur le tractus gastro-intestinal inférieur, étaient très intéressés par mon profil et ma connaissance de la voie transanale.

J’ai beaucoup appris de mon expérience à l’IRCAD et c’est ainsi que des échanges fructueux avec l’institut n’ont jamais cessé. Après mon retour aux États-Unis, j’ai toujours gardé le contact avec les équipes du Professeur Marescaux avec lesquelles j’ai organisé des recherches à Strasbourg ou à New York, incluant de nombreux cas expérimentaux sur cadavres pour faire progresser la technique. Avec Silvana Perretta, plus spécialisée dans la voie gastrique, nous avons confronté nos pratiques et réfléchi à la façon dont nous pouvions intervenir en conjuguant voie transgastrique et voie transanale. L’ensemble des travaux portant sur ce nouveau type de chirurgie nous ont amenés à multiplier les échanges avec les industriels afin de faire progresser le matériel disponible. La collaboration avec l’IRCAD a été extrêmement fructueuse tout au long du programme NOTES.

 

 

Pouvez-vous décrire en quoi consiste l’abord transanal dans le traitement du cancer du rectum ?

Le traitement du cancer du rectum par voie transrectale consiste à passer par l’orifice naturel, au niveau de l’anus, pour aller réséquer (retirer le cancer). L’importance de la résection dépend de la taille et de la nature du cancer. La muqueuse du rectum est constituée de plusieurs couches : muqueuse, sous-muqueuse, muscle. Si le cancer se situe sur la couche superficielle il est possible de le retirer sans inciser la paroi du rectum, ce qui est facile. S’il a envahi les autres couches, il faut alors retirer la tumeur au-delà de la couche superficielle, immédiatement accessible, et, souvent aussi retirer les ganglions, ce qui nécessite une dissection plus complexe. Pour ce faire, lorsque l’on choisit la voie transrectale on atteint la zone à réséquer en passant à travers la paroi du rectum, ce qui permet de retirer la tumeur dans toute sa profondeur en respectant les marges et de retirer les ganglions. Cette voie est particulièrement intéressante parce qu’elle permet d’accéder très directement à la tumeur et de manière peu invasive.

 

Pouvez-vous détailler les bénéfices de la chirurgie transanale du cancer colorectal ?

L’avantage le plus important de la technique réside dans le fait qu’elle facilite la résection de la tumeur du rectum, notamment lorsque le cancer est situé très bas.

En effet, plus le cancer est bas, plus la chirurgie est difficile, parce qu’il va falloir progresser vers la tumeur sans la voir. C’est particulièrement difficile chez les hommes, qui ont un bassin étroit, et chez les personnes qui sont obèses. Chez ces patients, il arrive donc fréquemment que la chirurgie laparoscopique ou robotique soit convertie en cours d’intervention en chirurgie ouverte, parce qu’il n’est plus possible d’avancer vers le bas du rectum de façon sûre.

Autre point, avec encore plus de conséquences pour le patient : lorsque le cancer est situé à quelques centimètres de l’anus, l’approche laparoscopique ou robotique ne permet pas toujours de préserver l’anus. Le canal de l’anus est alors définitivement fermé et le côlon relié à une poche extérieure – on parle de colostomie permanente.

L’approche transanale permet bien souvent d’éviter ces écueils parce qu’elle inverse l’ordre de progression de la chirurgie : on part de l’anus et l’on remonte vers la tumeur, que l’on voit tout de suite et très bien, grâce aux écrans de contrôle en HD 4K, ce qui permet de pratiquer une résection très précise avec :

  •       beaucoup moins de conversions en chirurgie ouverte (moins de 5 % selon les études cliniques, contre 10 et 20 % pour la chirurgie laparoscopique) ;
  •       la possibilité d’éviter d’enlever le sphincter anal (résection abdominopérinéale ou APR en anglais), ce qui lui permet de préserver un transit intestinal, même s’il lui faut adapter son mode de vie. La plupart des patients, et particulièrement les plus jeunes (entre 35 et 55 ans) préfèrent éviter une chirurgie mutilante. Or, j’observe que nous avons de plus en plus de patients jeunes.

 

 

Quelles sont les adaptations du mode de vie nécessaires après une chirurgie rectale qui conserve le sphincter anal ?

Si l’on parvient à préserver le sphincter anal, celui-ci est malgré tout affaibli par l’intervention chirurgicale. En amont de la chirurgie, il est donc essentiel de préparer psychologiquement le patient, ce qui passe par une explication détaillée de ce qui va changer pour lui dans la vie de tous les jours.

Ensuite, après l’intervention, différentes mesures sont proposées pour permettre une vie aussi normale que possible, sans risque de fuites :

  • régime pauvre en résidus ;
  • renforcement des muscles pelviens ;
  • médicaments ;
  • apprentissage de l’auto-lavage réalisé une fois par jour, avec une solution saline, qui permet de contrôler l’émission de selles.

 

 

 

Quelles ont été les étapes du développement de la chirurgie endoscopique transanale jusqu’à son utilisation en routine ? Et combien d’équipes pratiquent-elles cette chirurgie à travers le monde ?

Le développement de la technique a bien sûr été soumis à des contraintes réglementaires. On ne développe pas une technique pour la beauté de celle-ci, mais parce qu’elle permet de répondre aux limites des autres approches : il faut prouver sa non-infériorité, voire ses bénéfices grâce à des études cliniques, et affiner les indications dans lesquelles elle apportera le plus de bénéfices. Dans ma spécialité, la chirurgie colorectale du cancer, ce type d’évaluation est difficile et prend du temps car les résultats doivent être évalués sur le long terme. Mais aujourd’hui, les bénéfices sont établis.

Ensuite, il faut dire qu’il s’agit d’une chirurgie très complexe, qui nécessite beaucoup d’entrainement et n’est pas accessible à tous les chirurgiens. C’est pourquoi la formation est cruciale et l’IRCAD a joué un rôle déterminant dans le domaine.

Aujourd’hui, dans le monde, trop peu d’équipes sont formées à cette technique et il est essentiel de faire progresser la formation afin que les patients puissent bénéficer de cette approche.

 

À propos de l’IRCAD :

Créé en 1994 par le Professeur Jacques Marescaux, l’IRCAD est un institut dédié à la formation et à la recherche sur la chirurgie mini-invasive.  L’Institut strasbourgeois est un centre de renommée internationale, réputé pour l’excellence de ses formations qu’elles soient présentielles – près de 8 800 chirurgiens du monde entier sont formés chaque année à Strasbourg – ou virtuelles, avec l’université en ligne Websurg, entièrement gratuite, qui compte plus de 470 000 membres connectés dans le monde entier.

Pour plus d’informations, rendez-vous sur https://www.ircad.fr/fr/

 

Nous espérons que ce 13ème numéro de la newsletter de l’IRCAD vous a plu. Pour toute demande d’information, d’inscription ou de désinscription :

FINN Partners – sante@finnpartners.com

 

 

 

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