Édito
Il y a 30 ans, nous créions l’IRCAD, convaincus que la chirurgie robotique, la téléchirurgie, l’intelligence artificielle et plus généralement les nouvelles technologies allaient révolutionner la chirurgie et apporter de grands bénéfices aux patients. À cette époque, la robotique était considérée comme un gadget, une curiosité pour attirer les journalistes, et nous passions parfois pour des excentriques. Trente ans plus tard, l’histoire nous a donné raison : l’engouement pour la chirurgie robotique est porté par le souhait de proposer des chirurgies de moins en moins invasives. Le robot augmente la main du chirurgien grâce à l’articulation de ses petits instruments ; il augmente ses yeux, grâce à la vision 3D haute définition. Par ailleurs, il diminue la fatigue du chirurgien, ce qui contribue à le rendre plus performant. Enfin, l’analyse par l’intelligence artificielle des gestes de l’opérateur et des données liées à l’intervention est un formidable outil pour faire progresser les pratiques. Mais nous n’en sommes qu’au début de la révolution robotique…
En 2001, nous avions montré avec l’Opération Lindbergh, première intervention chirurgicale transatlantique, la faisabilité du concept de téléchirurgie sur une très grande distance. Aujourd’hui, le concept connaît un regain d’intérêt au niveau international : des équipes japonaises et chinoises évaluent la sécurité des interventions à distance qui offrent une solution pour pallier les déserts médicaux. Dans le domaine cardiovasculaire, le développement de robots qui permettent de réaliser des procédures de radiologie interventionnelle comme les thrombectomies a aussi considérablement progressé, ce qui offre des chances aux patients éloignés des grands centres de soin. En effet, en cas d’AVC ischémique, la réalisation d’une thrombectomie, en complément de la thrombolyse (dissolution du caillot), double les chances du patient de ne pas garder des séquelles de l’accident vasculaire. Mais celle-ci doit être réalisée dans les heures qui suivent l’AVC, ce qui n’est pas possible dans les régions les plus reculées. Actuellement, une dizaine d’entreprises dont la française Robocath, développent ce type de solutions robotisées pour pallier les inégalités d’accès aux soins.
Ces avancées porteuses d’espoir pour les patients reposent, pour la plupart, sur l’intelligence artificielle (IA), au cœur des recherches menées à l’IRCAD. Celles-ci ont abouti à de nombreuses avancées, parmi lesquelles la création d’un outil de reconstitution du jumeau numérique du patient qui offre la possibilité de simuler différentes stratégies chirurgicales pour choisir la meilleure. L’IA permet aussi de reconnaître les structures anatomiques et d’identifier les étapes essentielles à respecter lors d’une intervention chirurgicale, ce qui contribue à améliorer la sécurité du patient. Elle permettra, demain, de faciliter la délégation de tâches, partout dans le monde, en rendant accessibles à des non-experts des techniques d’imagerie médicale ou de chirurgie percutanée – c’est l’objet du projet Disrumpere conduit par les équipes de l’IRCAD France et de l’IRCAD Africa.
Toutes ces innovations conduisent et conduiront non seulement à faire progresser la qualité des soins, mais aussi à diminuer les coûts grâce à la détection précoce des maladies permettant de réaliser des gestes moins invasifs, grâce à la réhabilitation plus rapide des patients, grâce aux solutions apportées pour pallier les déserts médicaux. Des économies auxquelles s’ajoutent des bénéfices au niveau macro-économique : car comme le soulignent les experts de l’Organisation Mondiale de la Santé, l’amélioration de la santé à l’échelle des populations a un impact positif sur le développement économique.
Professeur Jacques Marescaux
Président et fondateur de l’IRCAD
IRCAD : initialement orienté vers la recherche contre les cancers digestifs (comme son nom l’indique), l’Institut a élargi son champ d’action à de nombreuses pathologies dans près de 20 spécialités chirurgicales.
Fondé en 1994 par le Professeur Jacques Marescaux, l’IRCAD s’est rapidement imposé comme un institut de premier plan dédié à la recherche et à la formation en chirurgie mini-invasive.
L’institut strasbourgeois a gagné une reconnaissance internationale :
- grâce à des « premières » historiques (lire l’encadré ci-dessous) ;
- grâce à la formation des chirurgiens (8 000 sont formés, chaque année, à Strasbourg aux techniques de pointe, de la laparoscopie à la chirurgie robotique) ;
- grâce à des recherches visant à mettre les technologies (intelligence artificielle, imagerie médicale, robotique) au service de la démocratisation des soins.
Les formations chirurgicales dispensées à l’IRCAD à des chirurgiens qui souhaitent se perfectionner se sont enrichies au fil du temps. Elles portent désormais sur près de 20 spécialités et couvrent de nombreuses pathologies – la portée des travaux de l’institut est donc bien plus large que celle de son acronyme « Institut pour la recherche contre les cancers digestifs ».
En complément, l’université en ligne gratuite WebSurg, créée en 2000, permet, à toute heure, depuis n’importe quel point du globe, de se former en visionnant des images de chirurgies éclairées par les meilleurs experts de chaque spécialité. Aujourd’hui, le site Internet WebSurg propose 5 800 interventions dans 16 spécialités aux 500 000 membres de la plateforme.
Deux premières qui ont marqué les esprits.
- En 2001 : la première chirurgie transatlantique, ou Opération Lindbergh, a ouvert la voie au développement de la téléchirurgie. L’opération de la vésicule biliaire réalisée par le professeur Jacques Marescaux, basé à New York, pour une patiente basée à Strasbourg, a inspiré des chirurgiens du monde entier qui, à la faveur du développement de la 5G, poursuivent les travaux dans ce domaine. Ainsi, aujourd’hui en Chine et au Japon, les expériences se multiplient pour parvenir à réaliser des téléchirurgies à des distances pouvant aller jusqu’à 5 000 km. L’objectif : pallier le manque de médecins dans certaines régions du globe.
- En 2007 : la première chirurgie sans cicatrice, une cholécystectomie réalisée par voie vaginale (Opération Anubis), fait partie des événements marquants qui ont stimulé les recherches sur la chirurgie par les orifices naturels, sans cicatrice externe, dite transluminale. Depuis, grâce aux avancées réalisées dans le domaine instrumental, la chirurgie transluminale continue de se développer aussi bien dans le tube digestif supérieur – l’IRCAD étant pionnier dans la recherche sur les chirurgies bariatriques par voie naturelle – que dans la chirurgie colorectale – cette technique permettant d’améliorer la qualité de vie des patients avec un cancer proche de l’anus.
Le Professeur Marescaux lors de l’Opération Lindbergh ; les équipes de l’IRCAD mobilisées pour l’Opération Anubis.
Depuis sa création, l’IRCAD a contribué à l’accélération du développement des nouvelles technologies dans le domaine médical en s’appuyant sur des atouts majeurs : la collaboration étroite entre ingénieurs et médecins ; les partenariats noués avec des universités réputées de tous les continents comme avec des industriels engagés pour faire progresser les technologies ; la proximité de l’institut avec les hôpitaux universitaires de Strasbourg.
Parmi les grandes thématiques de recherche de l’institut :
- La reconnaissance par l’intelligence artificielle (IA) des structures anatomiques : les travaux précurseurs de l’IRCAD ont enrichi les échanges autour de technologies désormais disponibles (logiciels d’assistance aux chirurgiens dans les interventions délicates, afin d’améliorer la sécurité des patients).
- La création du jumeau numérique du patient : les recherches conduites à l’IRCAD ont abouti à la création de la start-up Visible Patient, qui propose une modélisation de l’organe du patient pour simuler la chirurgie et orienter le choix de la stratégie chirurgicale afin d’optimiser les résultats des interventions.
- L’utilisation de l’IA pour augmenter l’imagerie : les travaux de l’IRCAD visent la création de GPS chirurgicaux ou encore la transformation de l’échographie, modalité d’imagerie peu coûteuse et non irradiante, en imagerie 3D accessible à un opérateur non expert (projet Disrumpere mené par l’IRCAD France et l’IRCAD Africa).
- L’utilisation de l’IA pour améliorer la surveillance et la récupération des patients, avec les recherches sur le protocole ERAS qui cible l’identification des patients les plus vulnérables afin d’adapter le suivi postopératoire aux besoins de chacun, ou encore celles menées en collaboration avec la start-up californienne RDS pour assurer un suivi post-opératoire complet à domicile, grâce à un dispositif portable.
Un anniversaire de dimension internationale,
réunissant chercheurs, chirurgiens et représentants politiques du monde entier.
Samedi 1er juin 2024, l’IRCAD a célébré son trentième anniversaire en présence des Présidents, Directeurs et porte-paroles de ses 8 instituts miroirs [1], de partenaires industriels (Medtronic, Karl Storz, Intuitive Surgical, CMR Surgical, Medicaroid, Pentax Medical, Siemens Healthineers), de représentants de l’Université de Strasbourg (Michel Deneken, Président) et des Hôpitaux Universitaires de Strasbourg (Samir Henni, Directeur Général) ainsi que de représentants des autorités locales (Pia Imbs, Présidente de l’Eurométropole de Strasbourg, Frédéric Bierry, Président de la Collectivité Européenne d’Alsace, Jeanne Barseghian, Maire de Strasbourg, qui a transmis un message vidéo comme Franck Leroy, Président de la Région Grand Est). Tous ont insisté sur l’esprit visionnaire de l’IRCAD, sur la passion qui anime ses équipes et tire la recherche et le développement des technologies médicales vers le haut, sans oublier l’esprit de famille qui unit au-delà des frontières ceux qui, mus par l’idéal commun de faire progresser les soins partout dans le monde, œuvrent au sein des IRCAD.
Invité exceptionnel de la cérémonie, le Docteur Sabin Nsanzimana, Ministre de la Santé rwandais, est venu accompagné de Son Excellence François Nkulikiyimfura, l’Ambassadeur du Rwanda en France, afin de représenter le Président de la République du Rwanda, Paul Kagame. Le Ministre rwandais a invité l’assistance à célébrer le voyage de l’impossible vers le possible, évoquant ensuite les 30 ans qui ont permis à la République du Rwanda de renaître de ses cendres avec détermination, après le génocide de 1994. Il a témoigné au Professeur Marescaux la gratitude de son pays d’avoir choisi l’Afrique et le Rwanda en particulier pour établir un IRCAD. Il a aussi réaffirmé la détermination du Président de la République du Rwanda, Paul Kagame, et du gouvernement rwandais à soutenir l’IRCAD, dont l’objectif vise à favoriser l’accès de tous aux meilleurs soins, notamment à la chirurgie mini-invasive et à la chirurgie robotique.
[1] IRCAD Taïwan, IRCAD América Latina (deux instituts), IRCAD Lebanon, IRCAD Africa, IRCAD India, IRCAD China, IRCAD North America.
Cérémonie anniversaire : le Docteur Sabin Nsanzimana, Ministre de la Santé de la République du Rwanda.
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Et afin de découvrir tous les visages de l’IRCAD, le podcast Beyond IRCAD – Surgical Journeys propose, chaque mois, un voyage passionnant et inspirant en compagnie de chirurgiens prestigieux qui ont bâti des carrières remarquables dans le domaine de la médecine. Chaque épisode revient sur le parcours personnel et professionnel singulier de ces personnes exceptionnelles qui ont participé à l’aventure IRCAD. Vous pouvez écouter le podcast sur la plateforme de votre choix :
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