Edito
En ce début 2023, à l’occasion du deuxième numéro de la newsletter de l’IRCAD, veuillez recevoir les vœux de toutes les équipes de l’Institut pour une année riche en nouvelles réalisations et pleine de succès.
Pour l’IRCAD, 2023 sera marquée par des accomplissements qui nous tiennent à cœur et qui contribueront à faire progresser la prise en charge des patients, partout dans le monde. Il s’agit notamment, de l’inauguration prochaine de l’IRCAD Africa, au Rwanda, de la poursuite de nos projets IRCAD China et de IRCAD North America, ces deux instituts devant ouvrir leurs portes respectivement en 2024 et 2025.
Au-delà de ces grands rendez-vous, on ne saurait oublier l’engagement sans relâche des équipes nationales et internationales de l’IRCAD au service de la recherche et de la formation des chirurgiens. Dans la précédente newsletter, nous avions évoqué le développement de solutions nomades de dépistage, de diagnostic et de traitement des cancers, ainsi que l’amélioration du suivi des grossesses en Afrique. Dans ce nouveau numéro, je souhaite partager les efforts déployés par l’IRCAD pour former les chirurgiens pédiatriques aux techniques chirurgicales les plus avancées et les moins invasives. Qu’il s’agisse de chirurgie réparatrice des malformations ou de chirurgie curative, notamment dans le traitement des cancers – auxquels je pense particulièrement, en amont de la Journée internationale des cancers de l’enfant, le 15 février – il est essentiel que le geste soit le moins invasif possible.
Chirurgien pédiatre aux Hôpitaux Universitaires de Strasbourg, membre de l’International Pediatric Endosurgery Group (IPEG), le professeur François Becmeur dirige les cours de chirurgie laparoscopique pédiatrique à l’IRCAD. Il présente dans ce numéro le rôle-clé joué par l’IRCAD pour faire progresser la chirurgie pédiatrique.
Professeur Jacques Marescaux
Président et fondateur de l’IRCAD
L’interview du mois
L’IRCAD, une communauté d’intelligence collective dédiée aux progrès de la chirurgie pédiatrique
Pr François Becmeur,
chirurgien pédiatrique
Chirurgien pédiatrique engagé, le professeur François Becmeur dirige les cours de laparoscopie pédiatrique de l’IRCAD depuis 28 ans.
Partage d’idées et d’expériences, discussions avec les industriels pour faire avancer les technologies ou se battre pour le maintien de la fabrication d’outils essentiels à la chirurgie des plus jeunes, il décrit avec passion l’engagement des chirurgiens du réseau IRCAD.
Comment résumeriez-vous le rôle de l’IRCAD en chirurgie pédiatrique ?
L’IRCAD offre une communauté d’intelligence collective. La chirurgie pédiatrique dispose de peu de ressources et il est d’autant plus important de développer l’intelligence collective pour lui permettre de progresser. L’IRCAD et les sociétés savantes partenaires (IPEG, ESPES, ESPU, etc.)1 assurent le rayonnement de la chirurgie pédiatrique grâce à la formation des chirurgiens par les meilleurs experts – l’IRCAD compte 100 experts en pédiatrie, issus de 27 pays ; ils offrent aussi un lieu d’échanges qui favorise la confrontation scientifique amicale entre collègues. Et les bonnes idées germent ainsi.
Par ailleurs, les équipementiers partenaires écoutent avec attention la communauté de chirurgiens que nous formons, et nous aident à développer de nouveaux outils. Récemment, il s’est agi de développer de nouveaux trocarts : opérer un tout petit enfant, qui pèse 1,5 kg, c’est opérer sur un champ grand comme une boîte d’allumettes. C’est très délicat et les trocarts, lorsqu’ils bougent, gênent le geste chirurgical et risquent d’endommager la paroi thoracique. L’innovation développée grâce à maints échanges a permis de développer des trocarts que l’on peut transitoirement bloquer ou figer dans la paroi thoracique ou abdominale pour éviter qu’ils ne se mobilisent. Cette innovation simple, imaginée par l’un de nos amis (Hock TAN), réalisée grâce à nos échanges avec un équipementier, nous aide aujourd’hui à la réalisation de certains gestes, notamment chez le nouveau-né. L’IRCAD est une sorte de laboratoire ou de catalyseur d’idées.
Enfin, les chirurgiens pédiatriques réunis au sein de l’IRCAD peuvent et doivent peser sur les choix stratégiques des laboratoires : c’est ainsi qu’il y a quelques années, nous avons fait pression avec l’IPEG pour le maintien et le développement de trocarts de 3 mm, essentiels en chirurgie pédiatrique. Le rapport de confiance instauré pour faire progresser l’innovation nous permet de nous faire entendre et de nous battre pour nos patients.
Parmi les innovations de l’IRCAD, lesquelles vous semblent avoir eu un impact particulièrement marquant pour la chirurgie de l’enfant, notamment oncologique ?
La technologie de simulation, Visible patient, développée par les équipes de Luc Soler au sein du réseau IRCAD, et qui s’épanouit désormais dans une société autonome, a beaucoup progressé en une quinzaine d’années et a introduit de nombreux bénéfices. En reconstituant le patient en 3D, elle permet de préparer l’intervention en la simulant. Les différentes options thérapeutiques peuvent être testées sur le double numérique du patient, ce qui offre la possibilité de choisir la meilleure stratégie thérapeutique afin d’obtenir de meilleurs résultats. En outre, il est possible de s’appuyer sur cette simulation pour expliquer l’intervention chirurgicale aux familles et parfois, lorsqu’ils sont en âge de comprendre, aux jeunes patients. Cette technologie est très utile dans la chirurgie des malformations rares et dans le domaine des tumeurs de l’enfant.
En chirurgie oncologique, nous cherchons à guérir le patient en évitant les effets secondaires pour préserver sa qualité de vie sur le long terme : on cherche ainsi à limiter la taille de la cicatrice ou encore l’impact de la chirurgie sur les organes voisins. Pour y parvenir – je prends l’exemple de certaines tumeurs du rein – il faut être en mesure de répondre à ces questions : quelle est la cible vasculaire (artères et veines) qui permettra une exérèse complète de la tumeur tout épargnant le plus de tissu sain possible ? Comment reconstruire ensuite les voies excrétrices urinaires afin de laisser en place un organe non seulement vivant mais aussi fonctionnel (opérationnel). La simulation est essentielle pour répondre à ces questions.
Vous évoquiez la limitation des cicatrices, la chirurgie par endoscopie souple, dont l’IRCAD est un fer de lance, peut-elle être utilisée dans certaines indications la chirurgie pédiatrique ?
C’est une voie de recherche prometteuse. A l’IRCAD, le professeur Silvana Perretta, spécialiste et pionnière de l’endoscopie souple pour les adultes, mène des recherches sur l’atrésie de l’œsophage, une malformation qui conduit à la fermeture anormale de l’œsophage du nouveau-né. Ces recherches sont une illustration des échanges entre chirurgiens spécialistes de l’enfant et de l’adulte. L’intérêt de ce type d’approche est de réduire l’agressivité du geste et les séquelles qu’il peut entraîner. On parle notamment d’épargne pariétale.
Pouvez-vous développer ce concept d’épargne pariétale ?
Le geste chirurgical pratiqué sur un petit enfant est considérablement invasif, même si la cœlioscopie en a réduit l’agressivité. En chirurgie thoracoscopique, l’introduction de trocarts fins adaptés, nous permet d’éviter les déformations de la cavité thoracique consécutives aux frottements et appuis des instruments durant la chirurgie. C’est particulièrement important chez le nouveau-né ou le petit nourrisson, car les conséquences à long terme des lésions consécutives à un geste invasif vont être décuplées par la croissance et pourront conduire à des anomalies importantes – synostoses costales2, scolioses. Nous cherchons à éviter ce type de séquelles.
Pouvez-vous citer d’autres pistes qui permettront de diminuer l’agressivité de la chirurgie ?
Les informations générées par la surveillance réalisée par les anesthésistes-réanimateurs sont considérables. L’intelligence artificielle nous permettra, à terme, de mieux piloter les gestes afin d’éviter les risques pour l’enfant. Par exemple, il est nécessaire d’insuffler du CO2 dans l’abdomen (ou le thorax) de l’enfant pour créer l’espace nécessaire à la chirurgie cœlioscopique. Cependant, l’insufflation d’une pression trop forte peut nuire à la ventilation de l’enfant mais aussi à la microvascularisation cérébrale, etc. L’intelligence artificielle sera d’une grande utilité pour piloter au mieux les différents paramètres et maintenir l’équilibre si délicat dans la chirurgie de l’enfant.
Quelles sont les innovations technologiques qui devraient générer de nouveaux progrès en chirurgie pédiatrique ?
On a parlé de l’intelligence artificielle : elle assistera le chirurgien dans son geste pour éclairer ses choix (notamment, grâce à simulation), et mieux surveiller l’état du patient pendant la chirurgie. La robotique constituera aussi un atout, même si ses bénéfices doivent encore être scientifiquement démontrés. Le robot à double commande permet d’aider un plus jeune dans la technique, sans faire courir plus de risques au patient, et de former plus aisément de nouveaux chirurgiens. Elle va aussi nous permettre de développer une habileté meilleure, reproductible par tous – c’est la clé ! Grâce aux technologies comme l’intelligence artificielle, la simulation ou la chirurgie robotique, tous les chirurgiens seront en mesure d’atteindre un niveau de compétence élevé. Le développement des technologies nous offre un levier pour améliorer les capacités des chirurgiens et permettre d’égaliser les chances de tous les patients, partout dans le monde.
1 IPEG : International Pediatric Endosurgery Group
ESPES European Society of Paediatric Endoscopic Surgeons
ESPU : European Society for Paediatric Urology
2 Synostoses costales : fusion entre deux côtes qui peut être consécutive à un traumatisme et conduit à un déséquilibre du squelettew
A propos de l’IRCAD :
Créé en 1994 par le Professeur Jacques Marescaux, l’IRCAD est un institut dédié à la formation et à la recherche sur la chirurgie mini-invasive. L’Institut strasbourgeois est un centre de renommée internationale, réputé pour l’excellence de ses formations qu’elles soient présentielles – près de 8 800 chirurgiens du monde entier sont formés, chaque année à Strasbourg – ou virtuelles, avec l’université en ligne Websurg, entièrement gratuite, qui compte plus de 470 000 membres connectés dans le monde entier. Suivez l’IRCAD sur Twitter, Instagram, Facebook ou LinkedIn.
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